vendredi 21 mars 2008

Interview de François CHEREQUE

« Sud Ouest ». Attendez-vous des inflexions du gouvernement dans la poursuite des réformes sociales ?>

François Chérèque. Je souhaite que le gouvernement ne mélange pas tous les sujets, au risque de la confusion. La CFDT n'est pas hostile aux réformes, mais leur réussite dépend en partie de la façon dont on les explique. Il faut donner du temps au dialogue et à la pédagogie. Le cumul des sujets et leur confusion ont créé une forme d'anxiété parmi les salariés. Le résultat des urnes témoigne de cette inquiétude.>

> Les retraites seront un gros morceau. Considérez-vous que l'allongement de la durée de cotisations à 41 ans est inéluctable ?>

L'allongement est inscrit dans la loi, mais la loi donne aussi la possibilité de le différer en fonction de la situation de l'emploi, et en particulier de l'emploi des seniors. Aujourd'hui, deux tiers des salariés de plus de 55 ans ne sont plus en activité. Occupons-nous d'abord de l'emploi des seniors et réglons le problème de ceux qui ont un métier pénible. Allonger la durée de cotisations à 41 ans aujourd'hui serait injuste et inéquitable.>

> La négociation sur la pénibilité paraît pourtant dans l'impasse ?>

On comprend mal l'attitude du patronat, qui a fait un pas en avant en reconnaissant la pénibilité de certains métiers et qui recule lorsqu'il s'agit de savoir comment on va financer les départs anticipés. Les entreprises ne veulent pas payer. Si la négociation n'aboutit pas, il faudra l'inclure dans le rendez-vous sur les retraites.>

> Le dispositif des carrières longues, qui permet aux gens qui ont commencé à travailler jeunes de partir plus tôt à la retraite, coûte cher. Est- il menacé ?

> Pour nous, il est hors de question de le supprimer. Ce serait assurément un casus belli. Les salariés qui ont commencé à travailler à 16 ans doivent pouvoir partir à 58 ans ! La durée de cotisation est plus importante que l'âge de départ, c'est une mesure de justice sociale.>

> Comment regardez-vous l'affrontement entre la patronne du Medef et l'UIMM ?

> Donner plus de transparence au fonctionnement des organisations patronales et écarter ceux qui ont commis des actes illicites sont des mesures justes qui ont notre soutien. La justice doit aller jusqu'au bout et faire en sorte que l'on sache où est allé l'argent sorti des caisses en liquide. Il y a quelque chose d'effarant dans le comportement de certains organismes patronaux. Nous, nous faisons expertiser nos comptes, nous les publions, et nous n'avons jamais détruit de documents comptables>

> Le gouvernement compte sur la défiscalisation des heures sup pour créer du pouvoir d'achat. Quel bilan en dressez-vous ?>

Le bilan, aujourd'hui, c'est trois heures sup par mois, par salarié. C'est le bide complet. On avait promis aux gens de travailler plus pour gagner plus. Résultat : ils travaillent quarante minutes de plus par semaine.>

> L'accord sur la modernisation du marché du travail va être traduit dans un projet de loi. Que gagnent les salariés avec cet accord ?>

80 % des pertes d'emploi se font à la suite d'un licenciement individuel ; l'accord mettra fin au maquis de ces licenciements dans lesquels les salariés sont en situation de faiblesse. Là, on introduit une rupture de contrat mieux définie, une procédure contrôlée par la direction du travail et une indemnité de licenciement doublée.>

> Vous parlez de la séparation à l'amiable voulue par le Medef ?>

Il faut arrêter avec cette vision romantique de la rupture du contrat de travail. Nous, nous parlons de rupture conventionnelle.>

> L'assurance chômage dégage des excédents record en janvier. Seront-ils utilisés à mieux indemniser les chômeurs ?>

Un excédent, c'est une bonne nouvelle. J'espère qu'une amélioration du système d'indemnisation sortira de la négociation Unédic qui aura lieu avant la fin de l'année. Néanmoins, le déficit cumulé de l'Unédic s'élève à 9 milliards, à rembourser avant la fin 2009. Si la période financière se révèle plus stable, il faudra aussi envisager un transfert vers les retraites. Ce sera également l'objet de négociations, lorsque la guerre des patrons sera finie.

Propos recueillis par Régine Jordan – Sud Ouest 19 mars 2008